La souplesse de gestion d?une société civile immobilière (SCI) permet non seulement de transmettre son patrimoine immobilier dans de bonnes conditions, mais aussi d?échapper, de son vivant, aux contraintes de la copropriété. Avoir recours à une SCI est aussi utile pour protéger son concubin en cas de décès ou prévenir d?éventuelles mésententes entre ses héritiers. Nos conseils pour profiter au mieux des avantages de la SCI.
De plus en plus de familles, recomposées ou non, ont recours à la SCI, ainsi que des groupes d'amis ou d'investisseurs se connaissant suffisamment bien pour souhaiter gérer leurs biens locatifs en commun. Encore devez-vous savoir, si c'est votre cas, comment la créer et comment elle fonctionne, pour parvenir à en profiter au mieux de vos intérêts.
Rédaction des statuts : faites appel à un notaire pour bien verrouiller le contrat
Contrairement à ce qu?on pense, créer une SCI n?est pas très compliqué. Il suffit d?avancer étape par étape. Comme pour toute société, la première phase consiste à rédiger les statuts. Il s?agit pour les futurs associés de matérialiser leur intention d?investir ensemble et de prévoir les règles qui s?imposeront à eux. Il existe des statuts types disponibles sur Internet. Mieux vaut cependant opter pour du sur-mesure, car chaque projet est unique. La solution peut être alors de passer par un notaire ou un avocat, mais leur intervention coûte cher : 2.000 euros environ. De toute façon, il faut savoir ce que l?on attend exactement de la future SCI, donc lister les clauses qui figureront dans les statuts et en préciser la portée. Exemples : l?implication du droit de retrait d?un associé, les modalités de vente des parts, les règles de tenue des assemblées? Une fois les statuts rédigés, il ne reste plus qu?à les rendre publics en les déposant au tribunal de commerce.
Fonctionnement : le poste de gérant n?est pas une charge à prendre à la légère
Une fois la société immobilière constituée, son fonctionnement doit être assuré par un gérant, souvent un des parents dans une SCI locative familiale (voire les deux parents). C?est une charge importante dont il faut bien quantifier le contenu dès le départ et, éventuellement, la rémunération. Plusieurs tâches administratives doivent être assumées par ce gérant. D?abord, au niveau locatif : recherche des locataires, calcul et répartition des charges, entretien des locaux, travaux de réfection? Ensuite, au niveau comptable : suivi des relevés bancaires, des chèques émis, des loyers perçus? Enfin, au niveau social : convocation des associés, préparation et tenue des assemblées, rédaction des procès verbaux. Certaines de ces tâches peuvent toutefois être sous-traitées à un professionnel, par exemple un expert comptable. C?est souvent le cas en matière fiscale, quand il faut calculer le résultat net de la société et déterminer la quote-part des bénéfices revenant à chacun des associés, des opérations parfois très complexes, voire sensibles quand le paiement de l?ISF est en jeu.
Responsabilité : vous risquez d?être solidaire des dettes éventuelles de la SCI
Par définition, les associés sont responsables indéfiniment (c?est-à-dire sans limitation de durée) sur leurs biens propres des dettes de la société. Pour autant, cette responsabilité n?est pas solidaire. Autrement dit, elle ne joue qu?à proportion du niveau de participation de chaque associé au capital de la société. Cela explique pourquoi les banques hésitent avant d?accorder un prêt à une SCI. Elles préfèrent traiter directement avec des personnes physiques. Du coup, lorsqu?une SCI sollicite un prêt, la banque demande généralement aux associés de se porter caution solidaire. Dans ce cas, la responsabilité des associés est élargie, une situation potentiellement dangereuse et dont on n?échappe pas facilement. Car il faut le savoir : tout associé qui revend ses parts reste solidaire des dettes de la société pendant cinq ans supplémentaires?
Fiscalité : impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés, comment faire le bon choix ?
Par défaut, c?est-à-dire sans option particulière envisagée à la création de la SCI, celle-ci est soumise à l?impôt sur le revenu, et de manière «transparente » : les loyers encaissés par la société sont taxés directement, pour chacun des associés, selon leur quote-part respective, dans la catégorie des revenus fonciers. Auquel cas les intérêts de crédit, les frais d?entretien et de gestion, les gros travaux, les assurances et la taxe foncière sont déductibles des loyers imposables (le solde est assujetti à 15,5% de prélèvements sociaux et à l?impôt sur le revenu). Autre possibilité, opter pour l?impôt sur les sociétés. La SCI peut dans ce cas également «amortir» l?achat des logements, en déduisant chaque année de ses profits une partie de leurs prix. Les bénéfices sont alors imposés au taux de 15% sur les 38.120 premiers euros, puis de 33,33% au-delà. Cette formule peut être avantageuse pour alléger la taxation des loyers, mais gare au coup de massue lors de la revente des biens ou des parts de la SCI : la plus-value à partir du prix d?achat, mais après réintégration des amortissements, et sans abattement pour durée de détention. Cette plus-value est ensuite imposée comme un bénéfice (donc au taux de 15% puis de 33,33%). Si les logements prennent beaucoup de valeur, l?addition présentée aux associés risque d?être salée ! Dans le régime par défaut de l?impôt sur le revenu, la ponction sur les plus-values est plus douce : 19% de taxe forfaitaire et 15,5% de prélèvements sociaux, sachant que, compte tenu des abattements pour durée de détention, l?exonération est acquise au bout de 22 ans pour la taxe à 19%, et au bout de 30 ans pour les 15,5% de prélèvements sociaux.
Transmission : vos parts se donneront très facilement et souvent à moindres frais
Constituer une SCI est une excellente solution pour des parents qui désirent anticiper la transmission de leur patrimoine immobilier afin de minimiser les droits de succession que leurs enfants devront payer un jour. La division d?un immeuble en parts sociales permet en effet de donner des parts en franchise d?impôts allant jusqu?à 100.000 euros par enfant (on retrouve là l?abattement légal entre parents et enfants, qui se reconstitue tous les quinze ans). Mais outre que cette donation peut se faire à l?euro près, de manière à optimiser le dispositif (chose impossible à réaliser avec un immeuble classique), au-delà de 100.000 euros, les parts supportent des droits de succession moins élevés que dans le cas d?une transmission en direct. L?explication : divisé en parts sociales, le bien perd d?office 30% de sa valeur vénale du fait de sa moindre liquidité. En matière d?ISF, et pour la même raison, les parts de SCI bénéficient d?un abattement pouvant atteindre 15%. Toujours bon à prendre.
Problèmes d'indivision : vous n?en aurez aucun en créant votre société civile
Quand un bien est acheté à plusieurs sans formalités particulières il est en «indivision», chaque acheteur détenant des droits sur l?ensemble du bien. «Nul ne peut être contraint à rester dans l?indivision», prévient néanmoins la loi. Tout indivisaire peut donc en sortir quand ça lui plaît et faire vendre le bien, parfois dans de mauvaises conditions? Rien de tel avec une SCI (ce sont seulement des parts que l?on cède), qui peut être constituée pour 99 ans : de quoi envisager la conservation du bien pendant longtemps. L?autre inconvénient de l?indivision est sa lourdeur : tout acte sortant de l?entretien courant requiert l?unanimité des indivisaires. A l?inverse, le gérant d?une SCI peut décider librement de tout ce qui a trait à la gestion du bien (travaux, location?). Mieux, si des associés veulent quitter la société, ils ne peuvent pas claquer la porte quand ça leur chante. L?intérêt général prévaut : les candidats au départ ne peuvent céder leurs parts qu?avec l?accord de tous les autres, ceux-ci disposant d?ailleurs d?un droit prioritaire de rachat.
Sécurisation du concubin : à votre décès, vous lui évitez d?être taxé à 60%
En cas de concubinage, le risque est réel, si l?un des concubins décède, que l?autre soit chassé de sa résidence principale. En effet, comme ce logement avait été acheté en commun par le couple, les héritiers du concubin décédé se retrouvent en indivision avec le survivant. Ils peuvent donc l?obliger à vendre, contrainte d?autant plus douloureuse que les legs entre concubins sont taxés à 60%, comme entre des personnes étrangères. Ce risque disparaît avec une SCI. Elle permet en effet de transmettre un bien au concubin survivant tout en lui évitant de payer les droits de 60%. A la condition cependant, une fois la société constituée, de procéder à ce qu?on appelle un «démembrement croisé des parts». Ce mécanisme subtil consiste à s?échanger mutuellement l?usufruit de ses parts ? en pratique, chacun achète la nue-propriété de la moitié des parts et l?usufruit de l?autre moitié. Résultat : quand survient le décès d?un concubin, l?autre retrouve automatiquement la pleine propriété des parts dont il avait cédé l?usufruit, sans avoir à payer de droits de succession. Et, puisqu?il dispose toujours de l?usufruit sur la seconde moitié des parts, il acquiert ainsi un droit de jouissance à vie sur la totalité du logement. Seule la nue-propriété des parts du défunt revient aux héritiers, mais cela ne leur donne aucun droit.
Achat entre amis : pour être tranquille, optez pour une société dite «d?attribution»
Vous voulez acheter un immeuble à plusieurs ? Evitez là aussi de le faire sous le régime classique de la copropriété, système où l?indivision règne et dont le fonctionnement est aussi lourd que rigide. Créez plutôt une SCI, dont la gestion est beaucoup plus souple tant en matière de découpage du bien que des mises en location. Si l?immeuble est composé de plusieurs logements, pensez dès le départ à configurer votre SCI en «société d?attribution». Les associés se verront alors attribuer la jouissance exclusive de l?un de ces logements sur la base d?un descriptif délimitant les diverses parties de l?immeuble. Chaque associé pourra alors effectuer des améliorations dans son logement, ce qui valorisera ses propres parts, possibilité exclue avec une SCI classique, laquelle, dans ce domaine précis, loge tous les associés à la même enseigne. Autre caractéristique d?une société d?attribution : les occupants ont le pouvoir de contrôler toute nouvelle arrivée. Une sécurité pour les associés qui restent, mais une vraie contrainte pour ceux qui partent.
Locaux commerciaux : vous pouvez les mettre à l?abri d?une saisie de créancier
Si vous êtes entrepreneur, héberger dans une SCI votre patrimoine professionnel va vous permettre de le sécuriser. C?est vrai pour un patron de PME, mais aussi pour toute personne exerçant une activité à risque, qu?il s?agisse d?un médecin ou d?un commerçant. Attention, les seuls biens concernés sont les immeubles destinés à l?exercice de cette activité, à l?exclusion des actifs (souvent du matériel ou des équipements) liés à la marche de l?affaire. Mais le résultat est efficace : en cas de difficultés d?exploitation, les créanciers ne pourront plus saisir vos biens immobiliers, ceux-ci étant désormais abrités dans une autre structure, à caractère personnel. Notez que vous pouvez aussi devenir, via la SCI, locataire des locaux destinés à votre activité. Fiscalement, c?est souvent très avantageux : vous devrez verser un loyer à la SCI, mais pourrez, en échange, déduire de son bénéfice toutes les charges du bien loué (frais d?entretien, travaux, intérêts du prêt?).
Besoin de liquidités : vendez votre logement à la SCI constituée pour l?occasion
Payer des droits de succession, rembourser un crédit, changer de voiture? On peut parfois avoir besoin d?une grosse somme d?argent. Un montage financier courant dans les pays anglo saxons, l?Owner Buy Out (rachat à soi-même), peut vous tirer d?affaire. Il permet au propriétaire d?un logement de trouver de l?argent en le vendant à une SCI constituée pour l?occasion. Laquelle empruntera alors une somme équivalente à la valeur du bien afin de l?acheter. Il sera ensuite mis en location, et les loyers perçus par la SCI serviront à rembourser le prêt. Mieux, puisque les intérêts du prêt seront déductibles des loyers. Voilà comment obtenir des fonds en ne s?adressant qu?à soi-même ! L?opération exige toutefois une préparation minutieuse. Aux yeux du fisc, elle ne doit pas apparaître comme une man?uvre destinée à échapper aux impôts ou aux poursuites d?un éventuel créancier. A ficeler, donc, avec un bon avocat.