Les acheteurs sont de retour dans le secteur Immobilier
Les acheteurs sont de retour dans le secteur Immobilier
Les acheteurs sont de retour dans le secteur Immobilier
Les acheteurs sont de retour dans le secteur Immobilier
Par Corinne Scemama, publié le 05/03/2014 à 11:54, mis à jour le 06/03/2014 à 13:42
Après une année 2013 morose, où la hausse du chômage, le matraquage fiscal et les mesures Duflot sur les loyers ont entretenu l'attentisme, les Français reprennent le chemin des agences. Si les prix sont encore surévalués, les acquéreurs ont de nouveau la main
Dans un marché immobilier ralenti, les acheteurs reviennent. Ce sont eux qui ont désormais la main.
© J.-P. Guilloteau/L'Express
Il en plaisanterait presque. Lorsque l'agent immobilier a signifié à ce riche acquéreur que son offre sur la maison de ses rêves, située dans le XVIe arrondissement de la capitale, avait été refusée par le propriétaire, l'homme n'a pas laissé entrevoir une once de déception. Il n'a pas non plus cédé au vendeur, qui en exigeait 5,5 millions d'euros. Non, ce Parisien, campant sur sa position - 4,3 millions d'euros, tout de même -, a juste lancé, sourire aux lèvres : 'Je suis sûr que je l'aurai un jour.'
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Cet optimisme débridé n'a désormais rien d'irréaliste. Dans un marché ralenti, incertain, déserté par les étrangers, 'en apesanteur', selon l'expression de Laurent Vimont, président de Century 21 France, les acheteurs reviennent, encore plus sélectifs et déterminés. Ce sont eux qui ont désormais la main. 'Du jamais-vu', commente Charles-Marie Jottras, président du groupe Daniel Féau.
Le nombre de transactions dégringole depuis deux ans
Ce changement d'état d'esprit n'est pas dû au hasard. Il intervient après deux années de crise, qui ont vu le nombre de transactions dégringoler, à 668 000 dans l'ancien en 2013 (pour 800000 en 2008), selon la Fnaim, et à 75000 logements dans le neuf, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), tandis que les ventes se sont effondrées dans le secteur de la maison individuelle (- 19% en un an). 'Nous sommes au fond de la piscine', déplore Christian-Louis Victor, président de l'Union des maisons françaises (UMF).
Cliquer sur votre ville pour voir l'évolution des prix de 2012 à 2013 (en %).
Le recul des mises en chantier de logements neufs s'est encore accéléré ces trois derniers mois, à moins 7,5% à la fin de janvier. Et même si les prix ne suivent pas la même courbe - ils ne baissent en moyenne que de 2,9% malgré des décrochages, comme en Paca (- 5,9%) - le mouvement observé laisse présager un redémarrage qui n'a pas échappé aux Français.
Situation économique morose, hausse du chômage, matraquage fiscal, aides de l'Etat réduites à la portion congrue, moral et pouvoir d'achat en berne : l'année 2013 a essuyé des tempêtes qui ont découragé jusqu'aux inconditionnels de la pierre. 'Nous nous trouvions dans une sorte de nonmarché', estime Stéphane Imowicz, directeur général de Crédit foncier immobilier.
Une drôle d'ambiance où les acheteurs et les vendeurs 'se sont regardés en chiens de faïence', affirme Laurent Vimont. Avec, pour conséquence, un plongeon des transactions et la quasi-disparition de certaines catégories d'acquéreurs. Les investisseurs, d'abord, qui, affolés par la nouvelle taxation des plus-values en cas de revente et par l'encadrement des loyers, ont déserté agences et bureaux de ventes. Dans le neuf, le phénomène est très net. 'On observe une chute de 30 % des réservations malgré le dispositif Duflot', affirme Alain Dinin, président du groupe Nexity. 'Les investisseurs ne représentent plus que 40 % des acquéreurs, contre 60 % en 2010', regrette François Payelle, président de la FPI.
Autre retrait important : celui des primo-accédants. Dans un marché aux prix toujours élevés, ils ont de plus en plus de mal à boucler leur projet. Non seulement ces candidats à l'achat ne sont plus vraiment aidés - le prêt à taux zéro n'existe plus dans l'ancien et se révèle limité dans le neuf - mais les banques deviennent extrêmement exigeantes.
'En Ile-de-France comme à Lyon et à Marseille, nous enregistrons de 33 à 50 % d'annulations, motivées par un refus des banques', regrette Marc Pietri, président du promoteur Constructa. Même constat dans l'ancien, où la sévérité des établissements financiers évince les jeunes couples. C'est simple, en décembre 2013, ils ne représentaient plus que 37 % des acheteurs, contre 48 % en janvier 2012. Une hécatombe.
Le retrait des vendeurs a bloqué la baisse
Comment, avec de telles défections, expliquer l'extraordinaire résistance du marché ? Car, même si les ventes ont dégringolé, elles ont fait mieux que prévu, se positionnant à un niveau bas mais acceptable. Et que dire des prix, à peine écornés de 3% (en moyenne) en 2013, à l'opposé de la vraie correction qu'ont connue nos voisins européens ? En France, ils ont gagné 20% après la crise de 2008 et 110 % depuis dix ans, sans jamais redescendre ! La présence des secundo-accédants (ceux qui vendent pour acheter) ne peut à elle seule expliquer ce paradoxe.
En réalité, c'est le retrait des vendeurs, après la désertion des acquéreurs, qui a bloqué le mouvement de baisse. 'L'offre s'est adaptée à la demande', souligne Olivier Eluère, économiste au Crédit agricole. 'Dans un marché si restreint, les prix ne peuvent pas s'effondrer. D'abord, parce que seules se réalisent les transactions sur des biens de qualité et à des prix élevés. Ensuite, les propriétaires ont, jusqu'à il y a peu, préféré se retirer plutôt que de négocier', analyse Stéphane Atlan, directeur des agences Royalimmo de la capitale.
A Paris, les grands appartements haut de gamme ont désormais du mal à partir.
AFP PHOTO/JACQUES DEMARTHON
De leur côté, les promoteurs, prudents, ont réduit leurs mises en vente de 18,5 % au 3e trimestre 2013, selon la FPI. Derniers freins à la baisse : les taux d'emprunt immobilier. Situés à des niveaux historiquement bas, ils ont permis de compenser la hausse en resolvabilisant les clients. Mais ils l'ont également alimentée, en confortant les prétentions excessives des vendeurs. Sauf qu'aujourd'hui l''effet taux' ne joue plus à plein. Et, avec des offres à moins de 3% sur vingt ans, les crédits immobiliers ne baisseront plus...
Ce marché 'entre deux eaux' commence, malgré tout, à bouger. Après une longue période de ralentissement, la situation se débloque. 'On assiste ici et là à des ajustements de prix', note Stéphane Imowicz. Depuis quelques mois, par exemple, les grands appartements haut de gamme - ceux qui jusqu'ici se jouaient de la crise - ont beaucoup de mal à partir. Comme ce 300-m2 au Trocadéro, à Paris (XVIe), qui a reçu 40 visites et pas une seule offre. 'En 2013, l'immobilier de luxe a été durement touché, enregistrant des baisses de 10 à 15 %, voire plus', souligne Charles-Marie Jottras. Un 280-m2 de l'avenue Poincaré, à Paris (XVIe), a ainsi vu son prix glisser de 3,4 à 2,5 millions d'euros.
Les acquéreurs sont de nouveau à l'affût: ce n'est pas la ruée, mais un vrai retour
Autre signe des temps : les logements avec défauts, qui avaient profité de la dernière embellie pour s'aligner sur les biens les plus recherchés, ne se vendent plus aussi facilement. La moindre imperfection se paie cher. 'Les premiers étages ont perdu de 15 à 20 % de leur valeur', observe Roger Abecassis, patron de Consultants immobilier. Et de donner l'exemple du boulevard Delessert, à Paris (XVIe), où le bel haussmannien est passé de 10 500 à 8 000 euros le mètre carré, voire à 7 000 euros pour les appartements les plus sombres.
Pas de doute, 'les écarts entre les biens de qualité et les médiocres se creusent. Les produits moyens, eux, vont continuer à chuter', assure Nathalie Naccache, directrice des agences Century 21 Fortis Immo de Paris. Ainsi, ce 90-m2 du quartier de l'Opéra, à Paris (IXe), cédé à 780 000 euros, après quatre mois d'attente et une négociation à la baisse de 15%.
De telles corrections n'ont pas échappé aux acheteurs. Selon Christian de Gournay, président du groupe Cogedim, 'il existe une demande latente qui n'attend qu'un signal fort pour s'exprimer'. Aujourd'hui, les acquéreurs sont de nouveau à l'affût. Ce n'est pas encore la ruée, mais c'est un vrai retour. Certes, ils restent prudents et 'plutôt fébriles', observe Thibault de Saint-Vincent, patron du groupe Barnes.
'Ils sont moins nombreux, mais ils sont supermotivés', assure Stéphane Atlan. Et puis, 'ceux qui avaient renoncé un ou deux ans auparavant ne peuvent pas indéfiniment repousser leur projet', renchérit Roger Abecassis. D'autant que les conditions s'améliorent : 'Les taux sont au plus bas, les prix se sont effrités et parfois davantage. Normal qu'ils hésitent moins', s'exclame François Gagnon, président du réseau ERA France. Même les investisseurs, pourtant échaudés, reviennent, faisant fi de la rentabilité pour s'offrir des studios de 15 à 25m2, afin d'assurer leur retraite. Mais attention, ces acheteurs ultra-exigeants connaissent par coeur le marché et ne s'en laissent plus conter. 'Ce sont désormais eux qui fixent les limites. Sauf que les vendeurs ne s'en sont pas vraiment rendu compte', analyse Nathalie Naccache.
Beaucoup commencent néanmoins à évoluer. 'Ils mûrissent', estime Thibault de Saint-Vincent, racontant l'histoire de cette propriétaire qui, après dix-huit mois d'entêtement, a accepté de baisser le prix de sa superbe maison parisienne de 3,5 à 2,5 millions d'euros. 'Ils sont davantage à l'écoute : lorsqu'ils tiennent un acheteur sérieux, ils ne veulent plus le lâcher', s'amuse Eric Vincent, directeur de l'agence Emile Garcin Rive gauche.
'Un redémarrage progressif'
Autre facteur favorable à l'assouplissement des vendeurs : l'augmentation, de 20 à 50 % selon les régions, du stock des appartements mis sur le marché. De quoi autoriser les acheteurs à rejeter sans regret les offres exorbitantes, comme ce pied-à-terre de charme dans le Marais, vendu occupé à plus de 12000 euros le mètre carré. Ce début de 'réconciliation entre l'offre et la demande', selon les mots de Roger Abecassis, participe au dégel.
Confiant, ce professionnel vient même d'investir dans un 'mégastore' de 450 m2, à Passy (XVIe), pour répondre aux besoins immobiliers de ses clients. 'On assiste à un redémarrage progressif. Mais comme l'activité est encore faible, cela ne se voit pas', analyse Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université Paris Ouest, à Nanterre.
Toutefois, pour que le marché sorte réellement de sa torpeur, il faudrait que la baisse, observée ici et là, se généralise à tous les biens et à toutes les régions. 'Si les prix reculent franchement, le marché repartira, avec un retour en masse des acheteurs', martèle Stéphane Imowicz. Une décrue nécessaire que les experts comme Olivier Eluère évaluent entre 15 et 20%, les prix restant clairement surévalués. Des professionnels tel Sébastien de Lafond, patron de MeilleursAgents.com, croient la voir arriver dès 2014, en commençant par une baisse de 5 à 7% en moyenne en France, voire de 10% dans des villes comme Marseille.
Ce pronostic a toutes les chances de se réaliser à condition que les taux d'intérêt remontent. 'S'ils grimpent suffisamment, on peut assister à une nouvelle chute des transactions suivie de celle, forte et brutale, des prix', analyse Laurent Vimont. Pour le moment, ce n'est pas le scénario envisagé : les experts parient plutôt sur une hausse progressive et limitée des taux qui n'aura que peu d'impact sur les transactions.
Dans ce cas, 2014 pourrait se révéler à peine plus tonique que 2013, avec 'une poursuite du redressement accompagné d'une correction modérée des prix, dans un marché toujours rétréci', résume Michel Mouillart. En attendant que l'immobilier retrouve ses couleurs, en 2015, si l'on en croit une étude récente de l'institut d'études économiques Xerfi.
Reste que, pour les acquéreurs, c'est un vrai casse-tête : faut-il passer à l'acte tant que les taux sont bas, avec en prime une petite réduction des prix ? Pour François Gagnon, 'c'est sans conteste le meilleur moment d'acheter depuis longtemps'. Ou faut-il patienter encore ? Le patron de l'Etude Caraudrey, dans le IVe arrondissement de Paris, en est convaincu. 'La baisse ne fait que s'amorcer. Si on attend un peu, on a toutes les chances de payer moins cher', assure-t-il.
A chacun de se décider en fonction de l'urgence de son projet. Une chose est certaine : le rapport de force s'est inversé et les acheteurs n'ont jamais eu autant d'atouts en main - du choix, du temps et un vrai pouvoir de négociation. La chasse aux bonnes affaires est donc ouverte dès ce printemps. Et les amateurs de pierre pourront, sans se presser, dénicher de jolies pépites, comme cet appartement cossu de 88 m2 à Neuilly (Hauts-de-Seine), occupé, cédé à 535 000 euros. Un prix - cassé - d'avant la flambée !
Droit de mutation: gare à la hausse
Il ne manquait plus que cela ! Sur un marché immobilier fragile, avec, certes, des acquéreurs remotivés mais des prix encore élevés et des banquiers inquiets, les droits de mutation français - parmi les plus chers d'Europe - risquent d'augmenter. Depuis le 1er mars 2014,en effet, les départements peuvent, s'ils le désirent, faire passer leur part dans les frais de notaire, déjà importante, de 3,8% à 4,5%. Cette mesure inflationniste, inscrite dans la loi de finances 2014, vise à compenser la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales. En clair, celles-ci peuvent se rattraper sur le dos des acheteurs. Même si cette nouvelle ponction ne représentera que quelques milliers d'euros supplémentaires par transaction, elle va certainement exclure du marché davantage de primo-accédants, déjà en retrait en 2013.
Heureusement, certains départements, conscients de la limite du pouvoir d'achat des Français, se sont engagés à ne pas toucher aux droits de mutation en 2014 : à Paris, dans les Yvelines, le Morbihan, la Mayenne ou l'Isère, ils n'augmenteront pas.
A contrario, le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-et-Marne, les Hauts-de-Seine, l'Eure, la Creuse, la Charente-Maritime, la Lozère, la Gironde ou les Pyrénées-Atlantiques sont bien décidés à profiter de l'aubaine. Au total, 66 départements sur 101 on déjà opté pour la hausse de ce qu'on appelle les ' frais de notaires '. Seule consolation : cette taxation supplémentaire a une durée de vie limitée à deux ans. Vivement 2016!
Europe: l'exception française
Explosion des prix en Grande-Bretagne, légère hausse en Allemagne, petite baisse en France et en Italie, stabilité aux Pays-Bas : cinq ans après la crise de 2008, l'Europe de l'immobilier ne réagit pas de concert, comme en témoigne l'étude de Standard & Poor's (S & P) publiée le 23 janvier 2014. Si l'Espagne continue de voir ses prix dégringoler - le stock de logements invendus est toujours pléthorique -, le pays commence cependant à attirer de nouveau les investisseurs. Après une correction vertigineuse de 50% en six ans, l'Irlande connaît elle aussi une stabilisation de son marché. Tandis qu'en Allemagne, où les prix restent sous-évalués de 20%, le mouvement de hausse devrait se poursuivre. A contrario, la France, qui n'a pas connu de vraie correction, devrait voir ses prix décroître en 2014.
C'est d'ailleurs elle qui enregistrera, selon S & P, la plus forte baisse (- 3%) parmi tous les pays européens. Rien de tel en Grande-Bretagne, où le marché s'envole, laissant craindre, à terme, l'explosion d'une bulle : en 2013, les prix ont grimpé de 8% en moyenne outre-Manche. Et beaucoup plus à Londres, où les appartements se vendent 15% plus cher qu'il y a un an, voire 25% dans certains quartiers prisés. Une vraie flambée, avec des prix du mètre carré proches de 25000 à 30000 euros, à comparer aux 10000 à 12 000 euros pour les plus beaux biens parisiens (hors l'ultraluxe).
Une diversité de destins qui laisse entrevoir une petite embellie générale : là où le marché s'était effondré, les baisses sont désormais plus modestes, et, là où il avait atteint des sommets, les prix s'assagissent. Bref, chacun peut espérer un retour à la normale d'ici à 2015.
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